Spécialiste des fusions-acquisitions, Ilan Elbase, 32 ans, a créé sa propre banque d’affaires, Effective Capital. Pour ses clients entrepreneurs, il bouscule sans hésiter les codes du milieu.
Oubliée la cravate serrée.
Ilan Elbase l’a troquée contre un jean et une franche camaraderie. Ce banquier d’affaires de 32 ans ne fait pas dans la langue de bois et affiche ses convictions, quitte à bousculer les conventions de son milieu. « Je choisis mes dossiers en fonction de l’intérêt intellectuel et de la sympathie que m’inspirent les entrepreneurs, plutôt que des « fees » », c’est-à-dire les pourcentages de commission que percevra le banquier.
Cette philosophie germe en lui fin 2011. Alors directeur des fusions-acquisitions (M&A) chez La Financière Cambon, il compte une vingtaine de deals à son actif, couvrant la variété des montages financiers possibles. En 2010, il a travaillé sur la prise de participation du fonds américain Accel Partners, l’un des fonds les plus actifs dans l’e-commerce au niveau mondial, et l’un des premiers à avoir investi dans Facebook et Showroomprivé.com. Une opération à 37 millions d’euros, qui a été l’une des plus marquantes cette année-là dans le secteur. Ilan Elbase était aussi à la manoeuvre lors du troisième tour de table du distributeur de jeux vidéo Nexway, qui a alors collecté 18,4 millions d’euros, notamment auprès de CDC Entreprises.
« IL AIDE LES ENTREPRENEURS À EXISTER »
Autant dire que ce diplômé de l’Essec et de l’Université de Richemond, aux États-Unis, n’a pas tardé à étoffer son tableau de chasse, depuis ses premières expériences chez Goldman Sachs, Société générale et Crédit agricole CIB. « J’aurais pu devenir associé de la Financière Cambon, où je travaillais depuis cinq ans. Mais j’avais le sentiment que j’accompagnerais mieux les entrepreneurs si je le devenais moi-même, pour comprendre leurs problématiques. J’ai donc préféré lancer ma propre activité, en plaçant la relation client avec les entrepreneurs au coeur du modèle.» Ce projet prend d’abord la forme d’une « conciergerie financière » qu’Ilan Elbase lance seul travaillant pour le compte de deux anciens clients, dont un expatrié à Bruxelles. « Je m’assurais que leurs intérêts étaient bien défendus, lors d’une négociation de taux avec les banques pour un prêt immobilier, par exemple. J’ai appris beaucoup notamment sur la fiscalité, mais je me suis heurté assez vite aux limites de ce modèle : les clients venaient pour ma compétence et je ne pouvais donc pas déléguer des dossiers pour développer l’activité. Et surtout, je m’ennuyais. le M&A me manquait. »
Au printemps 2012, Ilan Elbase décide alors de se recentrer sur son métier historique. En quelques mois, cet adepte de la rigueur qui craint de perdre du temps en perfectionnisme dépose les statuts d’Effective Capital et recrute un stagiaire. « J’ai dû repartir de zéro. Dans le milieu des fusions-acquisitions, quelques mois d’absence suffisent pour que tu sois hors jeu, car tu n’es plus au courant des affaires en cours. » Il remobilise son réseau avec détermination, et en juin 2013, son premier deal est bouclé. « Nous sommes revenus sur le devant de la scène en accompagnant l’organisateur de ventes privées Catherine Max dans le rachat de ses deux principaux concurrents, Adèle Sand et Arlettie », se félicite le banquier d’affaires qui revendique 5 000 contacts à Paris.
Aujourd’hui, après un peu plus d’un an d’activité, Effective Capital a conclu deux levées de fonds et deux cessions, et travaille sur six opérations en cours, notamment pour L’Atelier des Compagnons.
Cofondateur et directeur de ce groupe de BTP, et ancien client d’Ilan Elbase, Michaël Bertini a été un des premiers clients d’Effective Capital. « Ilan Elbase est sympathique sans être dilettante, rigoureux sans être stressant.
C’est appréciable dans ce milieu qui est très dur en termes de relationnel. Il a une vision de son métier qui fait bouger les lignes. Par exemple, il ne renégocie jamais sa commission, même si l’entrepreneur change de stratégie à son détriment. » Père de trois enfants, « Ilan a un grand sens de la famille », indique Jonathan Zisermann. Le cofondateur de Mediastay, devenu business angel et membre du réseau 50 Partners, en sait quelque chose : il est le cousin d’Ilan Elbase. Ensemble, ils ont fondé Alton Asset Management, un club d’investissements immobiliers. « Ilan a une grande capacité de travail et une ténacité à toute épreuve dans les négociations. Quand nous discutons affaires avec des vendeurs américains, nous jouons le tandem « good cop-bad cop ». C’est lui qui tient le rôle du méchant flic », sourit Jonathan Zisermann.
Attiré par l’international, notamment les États-Unis où il a vécu quatre ans durant ses études, Ilan Elbase a ouvert un bureau d’Effective Capital à Bruxelles et un à Miami. Depuis un an, il passe une semaine par mois entre la Floride et New York pour tisser son réseau parmi les investisseurs, les avocats et les entrepreneurs américains. « Depuis que Michael Bloomberg [le maire de New York, ndlr] a décidé de créer un écosystème favorable aux start-up pour réduire la dépendance de l’économie de la ville à la finance, la Silicon Alley compte plus d’incubateurs que la Silicon Valley. C’est une opportunité pour les entreprises françaises car c’est la porte d’entrée sur le marché américain, le plus grand du monde », souligne Ilan Elbase.
Début janvier, il a emmené avec lui onze start-up françaises dirigées par de jeunes entrepreneurs, qui ont pitché devant des investisseurs américains, et qui ont rencontré les start-up phares du moment, comme Etsy. Un voyage utile, selon Jonathan Cherki, fondateur de l’agence de marketing en ligne Content Square. « Ilan est quelqu’un d’engagé. Il n’était pas là que pour le coup de communication. Les questions qu’il pose témoignent d’un intérêt profond pour les entreprises qu’il accompagne. Il aide les entrepreneurs à exister. » Frédéric Lefebvre, le député des Français en Amérique du Nord, a lui aussi salué l’initiative. Ilan Elbase prévoit déjà d’organiser un nouveau voyage dès l’automne, toujours en partenariat avec Venture Out New York, une association de promotion des investissements à New York pilotée par Brian Frumberg. Cet ancien camarade d’Ilan Elbase à l’Université de Richemond se dit impressionné par la qualité de la sélection de start-up invitées par son ami, et plus généralement par son efficacité entrepreneuriale. « Je suis moimême entrepreneur et j’admire la rapidité avec laquelle Ilan a monté son projet et a su s’imposer, en France et aux États-Unis. »
Pour garder cette agilité et poursuivre le déploiement d’Effective Capital, Ilan Elbase songe à développer des partnerships avec des indépendants à l’étranger « à l’image de ce qui se pratique souvent chez les avocats ». Avec Londres et le Moyen-Orient comme nouveaux horizons.
RDV à New-York en septembre prochain pour le pitch final.